Ne vous est-il jamais arrivé de rester coite devant les questions innocentes de vos progénitures ? Indubitablement, leurs questions ingénues nous ramènent à notre curiosité perdue. Et pourquoi ne pas y remédier en leur apportant des réponses tout en cultivant notre propre curiosité ?
Alors, « À quoi sert l’appendice ? »
Telle est la question d’enfant à élucider.
En voici la réponse…
C’est vrai après tout. À quoi peut bien servir l’appendice vu que l’on peut vivre sans ?
Mais où se situe l’appendice ?
L’appendice a une forme cylindrique et une taille variable : de 6 à 12 cm de longueur sur 4 à 8 mm de diamètre. Dans la grande majorité des cas, il est rattaché au cæcum, première partie du côlon. C’est donc une excroissance qui prolonge le côlon de quelques centimètres.
Posséder un appendice n’est pas l’apanage de l’Homme. En effet, selon la récente étude des chercheurs Michel Laurin, du Muséum national d’histoire naturelle, et Eric Ogier-Denis, de l’Inserm, l’apparition de l’appendice date d’au moins 80 millions d’années. Il est apparu au moins 16 fois parmi les 258 mammifères étudiés et n’a été perdu qu’une seule fois au cours de leur histoire évolutive.
Pendant longtemps, ce petit organe en forme de ver a fait l’objet de peu d’attention. Après tout, Charles Darwin avait déclaré en 1871 que l’appendice était un vestige sans intérêt d’un organe qui aurait rapetissé suite à la modification du régime alimentaire de nos ancêtres. Mais il est vrai que l’appendice est peu présent au sein des mammifères et se retrouve chez les herbivores comme le koala, le castor ou encore l’orang-outan.
Fort de ce postulat, l’appendice est très souvent associé à sa maladie : l’appendicite.
L’appendicite, une inflammation aiguë de l’appendice
L’appendicite est une inflammation aiguë de l’appendice. Cette inflammation résulte généralement d’une obstruction provoquant une infection par des germes pathogènes. Cette obstruction est très souvent due à une masse dure de fèces (matière fécale) ou à la présence d’un corps étranger comme des pépins et des graines de fruits ou de légumes voire des vers intestinaux. L’ouverture de l’appendice peut également être resserré en réaction à un virus. Pour les personnes âgées, l’appendicite est parfois provoquée par une tumeur (cancer) au colon.
Des symptômes à ne pas prendre à la légère
L’appendicite est donc une inflammation et une infection bactérienne dues à la prolifération de microbes. En cas de prise en charge tardive, du pus peut s’accumuler à l’intérieur de l’appendice jusqu’à constituer un abcès. Le risque que tout médecin redoute est la perforation ou la rupture de l’appendice. En effet, tous les agents inflammatoires et bactéries contenus dans cet abcès se déversent dès lors dans la cavité abdominale. L’inflammation du péritoine (membrane enveloppant les organes de la cavité abdominale) en est la résultante. C’est la fameuse péritonite généralisée pouvant être fatale. Chez la femme, cela peut potentiellement être une cause de stérilité suite à l’infection des ovaires et des trompes de Fallope.
En cas de rupture de l’appendice, les bactéries peuvent également se disséminer dans la circulation sanguine et provoquer une sepsis, situation potentiellement mortelle.
Les « symptômes classiques » d’une appendicite aiguë sont : une douleur abdominale dans la partie inférieure droite de l’abdomen, des nausées et vomissements, une faible fièvre (37,7-38,3 °C), la difficulté à lever la jambe droite voire l’impossibilité de bouger à cause de la douleur.
Toutefois, ces symptômes peuvent être à l’origine d’autres affections comme les colites, la maladie de Crohn, les gastrites, les gastro-entérites ou plus spécifiquement chez la femme une grossesse tubaire et des problèmes ovariens.
C’est la raison pour laquelle en cas de troubles intestinaux inhabituels, la consultation d’un spécialiste est fortement recommandée afin de vérifier qu’il ne s’agit pas d’une appendicite. D’autant plus que personne n’est épargné face à cette maladie. Statistiquement, la plupart des cas répertoriés concerne les adolescents et les jeunes adultes entre 20 et 30 ans (surtout les hommes). En France, « près d‘une personne sur dix subit une appendicite au cours de sa vie ». Aux États-Unis, « plus de 5 % de la population développent une appendicite à un moment ou à un autre de la vie ».
Les personnes âgées et les enfants de moins de 3 ans ont moins de risque de développer une appendicite aiguë mais sont ceux qui sont le plus sujets à des complications et dont la mortalité est la plus élevée.
Diagnostiquer l’appendicite n’est pas si simple
La diagnostic de l’appendicite n’est pas simple à poser car pour certains patients, les symptômes classiquement observés ne sont pas présents. Ainsi, chez les nourrissons et les enfants, la douleur peut être diffuse et non localisée sur la partie inférieure droite de l’abdomen. De même, la douleur peut être moins intense et l’abdomen moins douloureux à la palpation chez les personnes âgées et chez la femme enceinte. Sans compter – dans des cas rares – les personnes qui ont un appendice à gauche, en raison d’une rotation interne inverse de l’intestin.
Pour établir son diagnostic, le médecin effectue un examen clinique et biologique afin d’avoir des informations sur l’étendue et la localisation de l’inflammation. Ainsi, après un examen physique, une analyse de sang peut être effectuée pour vérifier la présence d’une infection. De même, un échantillon d’urine peut être prélevé afin d’éliminer l’hypothèse d’une infection de l’appareil urinaire dont les symptômes peuvent être similaires à ceux de l’appendicite. Le recours à l’imagerie médicale (la tomodensitométrie (TDM) privilégiée par les derniers protocoles et l’échographie) permet de lever les doutes pour les formes atypiques ou compliquées.
L’appendicectomie, principal traitement de l’appendicite aiguë
Le traitement recommandé pour l’appendicite aiguë est son ablation (appendicectomie) couplée d’antibiotiques administrés par voie intraveineuse au cas où des bactéries s’introduiraient dans l’abdomen pendant l’opération.
Fortement pratiquée en France pendant les 1980, les appendicectomies voient leur nombre diminué de façon constante. Ainsi, est-on passé de 300 000 appendicectomies réalisées chaque année durant les années 1980 à 75 000 en 2017 selon la Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE).
Si cette opération chirurgicale digestive est fréquente dans les pays industrialisés, cela est loin d’être le cas dans les pays qui ne bénéficient pas de soins médicaux modernes. Ainsi, peut-on déplorer plus de 50% de décès parmi les personnes présentant une appendicite, faute d’intervention chirurgicale ou d’antibiotiques.
La durée d’hospitalisation est minime puisque les patients peuvent quitter l’hôpital entre 1 à 3 jours et l’incision chirurgicale guérit généralement en l’espace de quelques jours ou d’une semaine. Cette affirmation est néanmoins à pondérer pour les personnes âgées qui mettent souvent plus de temps à récupérer.
L’apport des techniques dites de chirurgie minimalement invasive en est l’explication. La laparotomie ou ouverture au point dit « de Mac Burney » consistant à inciser la paroi abdominale et le péritoine, n’est plus pratiquée. La laparoscopie, appelée aussi cœlioscopie est donc privilégiée car laissant une très petite cicatrice. Technique peu invasive certes mais qui nécessite de la part des chirurgiens une plus grande expérience et une bonne formation. En effet, le risque de toucher l’aorte durant cette opération n’est pas nul. Certains chercheurs s’élèvent d’ailleurs contre le recours systématique à la chirurgie et souhaitent privilégier l’usage des antibiotiques en première intention pour les appendicites débutantes ou peu compliquées. Toutefois, cette nouvelle voie de traitement fait encore l’objet de débat et d’études. Pour l’heure, la « balance du bénéfice/risque » penche en faveur de l’appendicectomie.
L’appendice n’est pas un vestige anatomique
Mais associer l’appendice à sa maladie est quelque peu réducteur. En effet, William Parker et Randal Bollinger du Centre médical de l’Université Duke (Durham, Caroline du Nord, Etats-Unis) ont apporté un nouvel éclairage sur cet organe qualifié de mineur dans une étude publiée en 2007. L’appendice serait un « sanctuaire bactérien » qui stockerait une flore bactérienne bénéfique à même de réinvestir l’intestin en cas de diarrhée et empêchant de ce fait les bactéries nuisibles de s’installer durablement. Les intestins sont en effet tapissés d’un biofilm (mucus) abritant des bactéries qui sont utiles à la digestion. Or, notre système immunitaire protège et nourrit ces bactéries dont la présence est d’ailleurs plus importante dans l’appendice.
10 ans plus tard, les travaux du Dr Heather F. Smith de l’Arizona College of Osteopathic Medicine à Glendale et de son équipe confortent cette découverte. En établissant une « corrélation entre la présence de l’appendice et la concentration de tissus lymphoïdes dans le cæcum », ils sont parvenus à la conclusion que l’appendice « joue bel et bien un rôle important en tant qu’organe immunitaire secondaire » en stimulant la croissance de certains types de bactéries intestinales bénéfiques.
Enfin, la récente étude des chercheurs Michel Laurin et Eric Ogier-Denis démontre que parmi les 258 mammifères étudiés, ceux qui possèdent un appendice avaient une durée de vie plus longue que ceux qui – à poids égal – n’en possédaient pas. En d’autres termes, les bactéries présentes dans l’appendice renforcent le système immunitaire et offrent ainsi une meilleure protection du microbiote intestinal. Grâce à leurs défenses immunitaires renforcées, l’allongement de la durée de vie de ces mammifères serait ainsi lié à la réduction du risque de mortalité par diarrhée infectieuse.
L’appendice n’est donc pas un « vestige inutile de l’évolution ». Et dans de nombreux pays souffrant d’insalubrité publique et où l’accès à l’eau potable est difficile, les diarrhées sont fréquentes. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « la diarrhée est la deuxième cause de mortalité chez l’enfant de moins de cinq et elle est à l’origine de 525 000 décès d’enfants par an. » L’appendice serait donc précieux et permettrait la réduction de la mortalité par diarrhée infectieuse.
Mais alors, pour quelle raison arrivons-nous à vivre sans appendice ?
Tout simplement parce que dans les sociétés développées ayant une alimentation globalement saine, il est rare d’avoir des indigestions et des diarrhées potentiellement mortelles. Certains se demandent d’ailleurs si la fréquence d’appendicites constatées ne serait pas liée à la faible exposition à des bactéries pathogènes dans ces sociétés. En d’autres termes, ce type de bactéries provoquerait une inflammation et donc une appendicite car nos défenses immunitaires seraient insuffisamment armées.
Est-ce à dire qu’une appendicectomie réduit notre espérance de vie ?
Nous voilà rassurée !
Mais enfin, dans quels cas notre appendice peut nous être néfaste ?
Dans une étude épidémiologique publiée en 2018, Bryan Killinger, du Van Andel Research Institute à Grand Rapids (États-Unis), et son équipe soupçonnent que la protéine alpha-synucléine stockée sous sa forme anormale dans l’appendice serait à l’origine de la maladie de Parkinson. En effet, ces agrégats toxiques remonteraient du côlon jusqu’au cerveau via le nerf vague. Dans ce cas, ils endommageraient les neurones situés à la base du cerveau et impliqués dans le contrôle des mouvements. L’origine de la maladie de Parkinson serait alors dans l’appendice. Ainsi, selon les auteurs de cette étude, une appendicectomie protégerait de l’apparition de la maladie de Parkinson ou tout au moins en retarderait les symptômes.
En France, la maladie de Parkinson est la deuxième maladie neurodégénérative du système nerveux, juste après la maladie d’Alzheimer et touche plus de 160 000 personnes.
Enfin, Xavier Tréton et Eric Ogier-Denis mettent en garde contre les risques de cancer du côlon qui serait multiplié par 17 chez les patients atteints de rectocolite hémorragique – maladie inflammatoire chronique du côlon et du rectum – en cas d’ablation préventive. En effet, selon Eric Ogier-Denis, « l’inflammation générée lors de l’appendicite servirait à éduquer le système immunitaire en faveur d’un meilleur contrôle de l’inflammation, d’où l’effet protecteur contre la rectocolite hémorragique et peut-être contre le cancer. Supprimer l’appendice en l’absence d’inflammation priverait le côlon d’une partie de ses défenses anti-inflammatoires, et favoriserait un processus de cancérisation en partie lié à l’emballement de l’inflammation. Tout cela reste à prouver et à clarifier, y compris le rôle de l’appendice dans la survenue du cancer du côlon en l’absence de rectocolite hémorragique. »
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Que penser de notre appendice. Ami ou « Ennemi » ?
Mais au-delà de cette question, ne faudrait-il pas tout simplement apprendre à prendre soin de notre microbiote intestinal ?